PENSER AUX FONDUS AU PARMESAN
Quand je pense à ma grand-mère paternelle, ce sont d’abord mes oreilles qui se rappellent.
Son rire claque encore si distinctement.
Sa manière de rouler les « r », sa façon de me dire : « Tu as encorrre un p’tit crrreux m’gamin ? ».
Ensuite, viennent son sourire, ses lèvres fines, ses boucles rousses, ses bras nus, sa montre, son pendentif.
Et enfin, parce qu’il ne saurait en être autrement, c’est un moment de table qui s’invite là, au creux d’une émotion naissante et nostalgique.
Et à bien les regarder, mes madeleines à moi ont une croûte dorée, un cœur crémeux et un croustillant à nul autre pareil. Les voilà, je les reconnais, les fondus au parmesan de bonne maman Renée !
Je n’ai jamais compris pourquoi nous n’en recevions qu’un seul alors que ma gourmandise en réclamait deux voire trois. Etrange également que le mien me semblait toujours plus petit que celui posé dans l’assiette de ma sœur. Mystère !
Oh, ce n’est pas une recette bien compliquée. Ne comptez pas non plus dessus pour briller dans une soirée gastronomiquement trendy. Mais elle reste, pour moi, le souvenir précieux de la simplicité et de la gourmandise. Car il est une caractéristique de la chose qui la rend singulière : la présence d’une tranche de pain. Un socle doré et croustillant. Unique !
Bon, c’est bien beau le souvenir mais si je veux revenir dans l’instant, il va me falloir un semblant de recette, ou du moins, une idée des proportions. Et c’est là que se compliquent quelque peu les choses. Questionnée sur sa recette, ma grand-mère répondait invariablement le même chose : « C’est simple. J’achète 200 g d’emmenthal et 100 g de parmesan. Mais je ne mets pas tout ! ».
Alors je demande s’il faut à tout prix cloner le souvenir pour le ramener de force dans le présent. Je sens poindre une déception annoncée. Car la mémoire du goût se mêle déjà aux ambiances du passé, aux couleurs des assiettes, de la nappe, au grincement des chaises, aux voix mélangées et aux odeurs de la maison. L’idée même de l’en extirper me semble vaine.
Du coup, je décide de me réapproprier la chose, de la faire mienne. J’ai subitement des envies de vin jaune et de noisette pour escorter le fromage, j’imagine une panure plus généreuse. Petit à petit, mon souvenir reprend sa place dans son mausolée, indemne, intact. Me voilà rassuré. Et même si je m’éloigne gentiment des mes réminiscences premières, je sais que ma grand-mère ne sera jamais bien loin.
Pour 6 belles pièces :
Appareil comté-parmesan :
75 g de beurre
75 g de farine
350 ml de lait
150 g de comté (préférer un bloc que vous râperez)
150 g de parmesan (préférer un bloc que vous râperez)
3 jaunes d’œufs
2 cs de mascarpone
30 ml de vin jaune
Des tranches de pain blanc rassis (préférer une mie bien aérée)
Panure :
100 g de farine
3 blancs d’œufs + 1 œuf entier
60 g de panko (chapelure japonaise)
30 g de noisettes
Persil plat
Zestes de citron jaune
Appareil au fromage
Clarifier 3 œufs et réserver les jaunes et les blancs au frais.
Chauffer le lait jusqu’à frémissement.
Faire fondre le beurre sans le laisser colorer et verser la farine. Mélanger. Cuire à feu moyen sans arrêter de tourner jusqu’à ce que le mélange développe des arômes biscuités.
Verser le lait chaud et travailler au fouet pour obtenir un mélange homogène.
Sur un feu doux, ajouter petit à petit le comté et le parmesan rapés. Laisser fondre et bien incorporer au mélange.
Il se peut que le fromage libère un peu de gras. Ne vous inquiétez pas, avec un peu d’huile de coude, le mélange redeviendra homogène.
Poivrer. Ne pas saler car les fromages apportent déjà du sel.
Hors du feu, ajouter les 3 jaunes un à un et bien mélanger.
Incorporer enfin le vin jaune ainsi que le mascarpone et travailler votre appareil jusqu’à obtention d’une pâte lisse.
Goûter et rectifier l’assaisonnement si nécessaire.
A partir de ce moment, si vous désirez des pièces régulières rectangulaires ou carrées, choisir un plat rectangulaire correspondant à la surface et à l’épaisseur dont vous avez besoin. Le recouvrir de papier sulfurisé pour faciliter le démoulage. Le remplir d’appareil au fromage, tasser, lisser et enfoncer les fonds de pain prédécoupés.
J’ai, pour ma part, travaillé sur des rectangles de 3×12 cm. Laisser prendre quelques heures au froid. Puis découper le long du pain, retourner, démouler et affiner vos découpes.
Vous pouvez également choisir d’autres formes et les garnir plus simplement à la cuillère avant de les laisser reposer quelques heures au froid.
Panure
Dans une assiette creuse, mettre 100 g de farine.
Battre un œuf entier avec les trois blancs réservés. Verser dans une assiette creuse.
Hacher finement les noisettes et bien les mélanger au panko dans une assiette creuse également.
En les tenant par le pain, paner les fondus en les passant dans la farine puis l’œuf et enfin le mélange panko/noisettes. Faire la chasse aux espaces non-couverts. Ne pas hésiter à refaire un passage si nécessaire, à vous aider d’un pinceau pour mouiller les endroits négligés, et à broyer le panko dans vos doigts s’il semble trop gros pour atteindre les petites surfaces.
Eviter surtout de paner le pain, sinon il ne cuira pas et restera mou à l’abri de la panure.
Réserver les fondus panés au frais durant au moins une heure avant de les cuire.
Vous pouvez également les congeler, il vous faudra alors allonger quelque peu les temps de cuisson.
Cuisson (fondus frais, non congelés)
Préchauffer un bain de friture à 180°C ainsi qu’un four à 180°C également.
Faire cuire les fondus dans l’huile environ 2 minutes (jusqu’à obtention d’une belle dorure). Le pain va les amener à flotter, tenter de les maintenir légèrement en-dessous de la surface.
Les sortir délicatement de la friteuse et les enfourner à l’endroit (entendez pain vers le bas) sur du papier absorbant. Durant 6 à 8 minutes, selon leur épaisseur, vos fondus vont ainsi se réchauffer jusqu’à cœur sans risque d’éclatement ou de se vider dans l’huile de cuisson.
Accompagner de persil frais frit à 180°C durant quelques seconde, de zestes de citron et d’une petite salade amère (chicons, pissenlits, herbes aromatiques,…).
L’amertume est sans conteste un contre-point frais et agréable à la richesse du plat.