PENSER AU JAMBON PERSILLÉ

Que m’arrive-t-il ? Quelles sont ces envies charcutières qui depuis peu m’assaillent ?

Pourquoi le réconfort gourmand d’une belle rillette sur du pain frais, d’un pâté en croûte doré ou la verdeur d’un jambon persillé semblent ces derniers temps crever le plafond de mon palmarès gourmand ?

Je voudrais savoir ce qui m’a fait délaisser le plaisir feutré des nappes amidonnées et des serviettes épaisses pour les carrés rougeauds d’une nappe en vichy ?

Si genèse il y a, il faut que je la trouve, que je la débusque et, qu’à bout de bras, je l’expose aux regards.

Plutôt qu’en deux mots, la réponse tient en un nom et un prénom : Torosyan Karen.

Voilà bien la personne coupable d’avoir éveillé en moi cette fascination pour l’art charcutier. Son travail d’orfèvre, sa précision, son choix de produits, sa technique délicate ont, à mes yeux, sorti la charcuterie de l’endroit où je l’avais injustement reléguée. 

Moi qui la trouvais souvent trop triste, trop industrialisée, trop formatée, de qualité médiocre, aux attributs indélicats ou manquant carrément de la plus élémentaire grâce, j’en suis aujourd’hui venu à m’émouvoir devant une belle croûte, une belle tranche, un beau montage, une belle gelée.

C’est que la chose se mérite tant elle demande du temps, de la patience, de l’amour même. Et de l’amour pour son métier, Karen Torosyan semble en avoir à donner. Et la transmission d’aller apparemment de pair comme en témoigne son livre : « Karen Torosyan : secrets et techniques d’un cuisinier orfèvre ».

Sorti il y a un an, le chef y confesse notamment et en détails, les secrets de ses plus belles recettes charcutières.

Un vrai plaisir !

Mais il vient un moment où l’action doit prendre le pas sur le simple bonheur de se perdre dans ce bel ouvrage. Et après quelques essais de rillettes, de terrines et autres jambons persillés, j’hésite à me lancer dans un pâté en croûte. Le travail de la pâte m’inquiète, la cuisson aussi. Mon esprit s’évade, cherche une issue et les phantasmes gourmands émergent, témoins d’une activité synaptique singulière qui me surprend encore et toujours.

A cet instant, je me dois de vous signaler que je ne peux mêler plus avant Karen Torosyan à mes élucubrations culinaires. Même s’il en est à l’origine, la recette qui suit n’est donc pas issue de son merveilleux livre. J’ai pour autant suivi les bases d’une recette du maître, que j’ai légèrement modifiées en fonction des produits et du matériel à ma disposition.

Et de matériel il en sera question. Difficile de s’aventurer dans cet exercice sans investir dans un thermomètre de four avec sonde et dans une seringue à saumure.

Pour ce qui est des quantités, pas simple, en matière de saumurage et de cuisson de travailler avec des petites pièces. J’ai donc pris un rôti d’épaule d’un kilo et mis le surplus en terrine.

apostrophes alone2Jambon persillé… en calamar.

Pour 4 personnes :

Jambon

1 kg de rôti d’épaule de porc

1 litre d’eau

150 g de sel

2 carottes

1 oignon

2 clous de girofle

1 gousse d’ail

1 branche de céleri

1 bouquet garni

Gelée d’herbes

30 branches de persil plat

4 branches d’estragon

3 feuilles de menthe

50 g de petits cornichons au vinaigre

6 cc vinaigre de vin blanc

1 petite échalote

10 cl de vin blanc sec

9 cc moutarde

Le zeste d’1 petit citron jaune

1 pied de veau et 3 x 2 g de feuilles de gélatine ou seulement 6 x 2 g de feuilles de gélatine sans pied de veau

Calamars

3 calamars entiers de belle taille

Herbes fraîches disponibles (livèche, sauge, estragon, thym, laurier…)

1 gousse d’ail

Sel, poivre

50 g de riz basmati

Condiments

1 betterave rouge

1 tige de rhubarbe (en saison)

30 g sucre

60 g de vinaigre

100 g d’eau

130 g de potimarron

1 cc de raifort

2 cs d’huile de noisette

3 cs de graines de moutarde

2 cc d’huile neutre

4 cc de vinaigre de riz

1 feuille de laurier

4 oignons grelots au vinaigre

Jambon

Dissoudre 150 g de sel fin dans un litre d’eau.

A la seringue, piquer l’épaule de toutes parts pour la saumurer à cœur. Couvrir de saumure et laisser reposer au frais durant 24 heures.

Egoutter et rincer le rôti. Le laisser sécher sur une grille au frais durant 24 heures supplémentaires.

Préchauffer votre four à 90°C en chaleur statique.

Mettre le rôti d’épaule et le pied de veau brossé et gratté dans une casserole, couvrir d’eau, ajouter les carottes en rondelles, l’oignon piqué de girofle, la gousse d’ail écrasée, le bouquet garni, la branche de céleri coupée en deux, du sel et du poivre.

C’est là que votre sonde va s’avérer indispensable. Sur un feu, amener la température du bouillon à 85°C. Ne jamais faire bouillir ! Couvrir et enfourner la casserole dans le four préchauffé. Laisser cuire 12 heures tout en gardant un œil sur la température.

Une fois cuit, égoutter, laisser refroidir et réserver. Garder le bouillon de cuisson !

Calamars

S’ils sont congelés, laisser doucement décongeler les calamars dans de l’eau froide.

Vérifier qu’il ne reste pas de morceau de plume (cartilage) à l’intérieur.

Faire cuire le riz basmati dans 2 fois son volume d’eau avec un peu de sel. Puis laisser tiédir.

Farcir les calamars de riz et leur donner une belle forme cylindrique.

Préchauffer votre four à 60°C en chaleur statique.

Déposer les calamars dans une casserole. Couvrir d’eau, ajouter les herbes, l’ail, le poivre et un peu de sel.

Sur un feu, amener lentement la température du jus à 60°C puis enfourner votre casserole dans votre four préchauffé et laisser cuire 2 heures tout en gardant un œil sur la température.

Une fois cuit, égoutter, laisser refroidir et réserver.

Gelée, herbes et viande

Passer le jus de cuisson du rôti d’épaule au chinois. Le faire réduire quelques minutes pour en concentrer les saveurs. Dégraisser au besoin.

En fonction de la présence ou pas du pied de veau, réhydrater la quantité de feuilles de gélatine nécessaire dans un peu d’eau froide.

Prélever 300 ml de jus de cuisson. Porter à ébullition, essorer les feuilles de gélatine et faire fondre dans le bouillon en ébullition durant quelques instants.

Laisser refroidir la gelée à température ambiante.

Tailler la viande en aiguillettes d’un bon centimètre de côté et de la longueur de vos calamars.

Ciseler finement l’échalote et faire cuire dans une poêle avec le vin blanc. Laisser évaporer presque à sec.

Ajouter la moitié (150 ml) de gelée encore tiède, les cornichons taillés en fine brunoise, le vinaigre de vin blanc et la viande. Sur un feu doux, sans ébullition, laisser chauffer durant quelques minutes que la viande prenne le jus. Sortir du feu.

Mixer un tiers du persil (sans les tiges les plus dures) avec l’autre moitié de gelée (150 ml) de manière à obtenir un jus bien vert. Verser dans la poêle et mélanger.

Ajouter enfin la moutarde, les herbes finement hachées (le reste de persil, l’estragon et la menthe) et le zeste du citron. Bien mélanger. Rectifier l’assaisonnement pour qu’il soit bien soutenu !

Montage

Expulser le riz des calamars en appuyant délicatement dessus. Ne pas le jeter et le conserver pour une autre utilisation (riz sauté par exemple).

Dresser le calamar dans un verre tout en le laissant s’écraser sur sa pointe. Verser un peu de jus et d’herbe et de condiments dans le fond, dresser dans la longueur 4 aiguillettes par calamar et remplir les espaces de jus et d’herbes.

Tapoter légèrement pour éviter les poches d’air et bien combler les vides. 

Répéter l’opération pour chaque calamar.

Avec le reste de viande et de jus, monter une autre terrine.

Laisser prendre le tout une nuit au réfrigérateur.

Trancher au couteau électrique pour des tranches bien nettes.

Condiments

Accompagner votre jambon persillé en calamar avec des condiments et autres pickles de saison.

Pour cela, faire bouillir le sucre, le vinaigre et l’eau et verser sur les légumes de votre choix (ici betterave rouge et rhubarbe). Le pickles de rhubarbe, je l’avais réalisé cet été. Laisser macérer quelques heures.

Réhydrater les graines de moutarde durant une nuit dans de l’eau. Bien égoutter.

Ajouter le sel, le vinaigre, l’huile et la feuille de laurier. Laisser mariner au frais quelques jours.

Pour le condiment de potimarron, le faire cuire coupé en dés dans de l’eau bouillante et salée. Egoutter sans jeter l’eau de cuisson. Laisser refroidir et mixer en une consistance souple avec un peu d’eau de cuisson, l’huile de noisette, le raifort, du sel et du poivre. Réserver au frais dans un biberon pour pouvoir dresser des petits plots.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *