PENSER À LA CUISSON EN CROÛTE DE SEL

Il y a des choses comme cela, des choses vues et revues, connues et archi-connues, tellement encrées dans le collectif culinaire qu’elles on été précipitemment rangées dans la colonne des « faits et plus à faire ». Du coup, ben moi, j’avais jamais essayé. J’enfonce donc une porte ouverte, béante, démesurément monumentale et comme le dirait Gad Elmaleh : « C’est la porte ouverte à toutes les fenêtres ! ».
Depuis quelques années, exit la cuisine moléculaire, retour au produit, Rene Redzepi (Le Noma, Copenhague) a remplacé Ferran Adria (El Bulli, aujourd’hui fermé). Comme le disait Philippe Limburg, directeur de Gault&Millau Belgique : « Ce qui compte aujourd’hui c’est le goût ! ». Retour donc aux techniques et cuissons respectueuses du produit, un peu poussées dans le dos par le slow-food, retour à l’ancestral, à l’antique, au séculaire. Et c’est vrai que la cuisson en croûte de sel correspond bien à cet état d’esprit. En retenant la chaleur et la vapeur d’eau elle permet à l’aliment de cuire parfaitement, en entier, dans un état brut, presque premier. Alain Passard, le pape du légume grand cru, a notamment ajouté cette technique à son attirail de cuissons, cette fois au service du végétal. C’est loin d’être un gadget ! Le souvenir d’un lapin fondant et juteux, cuit dans un sarcophage de terre glaise m’avait remis sur la piste de la cuisson à l’étouffée, j’ai donc poursuivi le chemin.

La croûte

Il vous faut évidemment du gros sel de bonne qualité (pas la peine de vous ruiner car, in fine, c’est pour la poubelle). Certaines recette proposent d’y ajouter un peu de farine pour faciliter la mise en oeuvre et l’adhérence au produit. Mes essais m’ont apporté la certitude que la croûte est plus hermétique avec de la farine et que le produit perd moins d’eau, ce qui est plutôt le but recherché. N’oubliez pas de mettre un lit de gros sel dans le fond avant le poser votre produit car plutôt que de croûte, on sous-entend une enveloppe complète de sel. Vous serez sans doute surpris de la quantité de sel nécessaire (jusqu’à 3 kilos pour un gros poulet !) sur platine. Un bon moyen d’utiliser moins de sel est de se serivr d’un haut plat ou d’un cocotte qui aide à soutenir l’édifice. On perd donc moins de sel dans les fondations. Vous pouvez également ajouter des épices à votre sel ou enfermer des herbes à l’intérieur pour apporter une note parfumée.

Le produit

Le choix du produit est crucial. Finis les poulets de batteries trop gras que l’on fait fondre à outrance sous le grill. Il faut un produit de qualité car au final, avec ce mode de cuisson, il n’y a aucun artifice. Au cours de mes différents essais, je me suis rendu compte que c’est un mode de cuisson qui convient mieux légumes de petite taille. J’avais fait le test avec une boule de céleri de 1,5 Kg. Alain Passard préconise 30 minutes de cuisson à 170°C par 100 gr ! Faites le calcul, on frôle les 8 heures de cuisson, ce qui devient aberrant en termes énergétiques, non ? Je n’y croyait pourtant pas, persuadé qu’au bout de 4 heures, il serait cuit, et bien il m’en a fallu 7 et la chair du céleri-rave était tout juste al-dente. Mieux vaut donc rester dans de plus petits calibres !

Casser la croûte !

Au sortir du four, il est toujours conseillé de laisser reposer la viande ou le légume quelques minutes. Pas trop d’angoisse donc si l’apéro traîne un peu, l’aliment reste au chaud dans sa coque de sel même s’il poursuit lentement sa cuisson, prudence donc. Enfin est venu le moment de briser la croûte ! Peut-être serez-vous, comme moi, surpris par la solidité de la chose ? Un marteau ne sera pas forcément inutile. Couvrez la croûte d’un linge avant de cogner cela vous évitera d’en mettre partout. Il est temps d’enlever les morceaux de sel (devant vos convives évidemment). Vous verrez, c’est magique, genre boîte à surprise, la croûte découvre le produit, les arômes se libèrent… Le blanc du poulet reste délicat et humide, moi qui ai l’habitude de m’étouffer avec. Concentration des saveur maximale du céleri-rave, servi à table, à la cuillère avec une noisette de beurre frais. Au final c’est une cuisson très jouissive mais qui reste très technique (poids, température, durée) car malgré tout, une sur-cuisson est toujours possible et pourrait ruiner l’intérêt de la chose. Il vous faudra certainement, tout comme pour moi, quelques réglages pour trouver le bon équilibre. En attendant le poisson, voici le résultat de mes premières expériences, j’espère que les prochaines seront les vôtres, car franchement, c’est une belle cuisson.

Poulet

1,7 kg

3 kg de sel / 400 gr de farine / 400 ml eau

Herbes fraîches

210°C

1H15 + 15′ de repos

Quelques herbes fraîches du jardin sous le poulet et un peu d’huile sur la peau pour obtenir un belle couleur dorée.

Céleri-rave

1,5 kg

1,5 kg sel / 200 gr de farine / 200 ml d’eau + cocotte

180°C

30′ par 100gr + repos 30′

Navet

200 gr

500 gr de sel / 70gr de farine / 70 ml d’eau + cocotte

180°C

30‘ par 100gr + repos 15

Pour info, voici le lien du site des Salines de Guérande qui donne bien envie : http://www.leguerandais.fr/?id=480

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