PENSER A LA LASAGNE BLANCHE
La vie vous fait croiser des routes, rencontrer des histoires et vous invite, parfois, à vous asseoir à la table des autres.
C’est l’histoire de ces frères, de cette soeur, venus de Montefalcone nel Sannio (Molise, Italie), c’est à leur table que je fus, un soir, prié de m’asseoir, et plus particulièrement à celle de Vincenzo, de Paulette, de Nadia et de Michelino.
J’y ai été accueilli par une générosité gourmande, familiale, autour de produits simples, j’y ai appris à tremper du pain dans un peu d’huile d’olive pour ouvrir l’appétit, à boire un vin généreux dans de petits verres sans pied.
J’y ai goûté une sauce tomate, réduite et profonde rehaussée d’une pointe de fromage de chèvre sec, rafraîchie parfois d’un piment frais, celui qui passe de main en main, celui qui vous brûlera les yeux si par mégarde vous y portez les doigts. Quittez la table quelques instants et il mettra le feu au bord de votre verre provoquant les rires généreux qui accompagnent encore cette blague savoureuse pourtant souvent répétée.
J’y ai appris qu’il ne fallait pas se resservir de pâtes, car le repas ne s’arrêtait pas là et dans la chaude lumière d’une fin d’été, j’y ai vécu la fabrication de la conserva di pomodoro, celle qui allait assurer la présence, à table, de soleil, les mois où ce dernier serait moins généreux. Découpe, cuisson, mise en bocaux, stérilisation, le tout au beau milieu des rires, des engueulades en patois et du bonheur de ces moments partagés.
Les rites marquent les saisons et l’hiver venu, il y aurait aussi la salsiccia, cette saucisse de porc rougie par le paprika, relevée de piment et de graines de fenouil. Temps froid et sec seraient les prérequis de ce culte gourmand afin d’en assurer un séchage idéal. Une journée de découpe au couteau pour éviter une mouture trop fine, une journée de partage, les doigts engourdis par la fraîcheur de la viande et de l’hiver, les mines réchauffées par quelques morceaux choisis, frits dans l’huile d’olive, un verre de vin blanc accompagnant cette douce pause.
Il y a dans ces moments du lien, de la transmission et du cœur, le tout sous le regard bienveillant des anciens et certainement des ancêtres. Les gestes sont répétés et transmis, pour ne pas les oublier, pour ne pas oublier ceux qui les faisaient avant nous.
Alors on se laisse aller, on s’imprègne des coutumes des autres, celles qu’ils vous offrent bras tendus, mains ouvertes, vous chuchotant au creux de l’oreille : « Voilà d’où je viens, voici qui je suis ».
Et l’on se réjouit de démarrer une chaude journée d’été par un morceau de pizza blanche et un verre de vin frais, d’inaugurer le four à pizza construit dans le garage, on se régale de découvrir les plats de fêtes, les moules gratinées en chapelure de persil, d’ail et de fromage sec, on s’illumine, de voir, déposée devant vous, une belle portion de lasagne blanche !
Grazie mille Vicenzo ! Penso a te…