PENSER A LA FRAÎCHEUR
Par ces chaudes et lumineuses journées d’été, l’envie de se rafraîchir s’invite jusque dans nos assiettes. Notre gourmandise nous tend alors ses petits bras potelés et accueille ces recettes froides avec bonheur, tant il apparaît peu agréable de suer à grosses gouttes dans son assiette de carbonnades flamandes ou de boulets à la liégeoise.
Mais cette envie de fraîcheur doit-elle inconditionnellement passer par la case frigo ?
En cuisine, le concept de fraîcheur est plus subtil et définitivement plus passionnant qu’une banale histoire de température.
Vous êtes-vous d’ailleurs déjà demandé quelles saveurs primaires pouvaient apporter à nos plats des accents vifs et frais ? C’est, sans conteste, une première piste mais d’autres goûts et d’autres parfums ont également cette capacité à faire souffler sur nos écuelles une brise légère et bienvenue.
Commençons par l’acidité qui, bien équilibrée, est, sans conteste, un premier allié. Il y a le jus ou la chair de certains agrumes (citron jaune, vert, bergamote, yuzu, cédrat, citron caviar…), les pickles, les légumes fermentés, l’oseille, certains fruits (fruits rouges, groseilles, fruit de la passion, rhubarbe), certains produits laitiers (crème aigre, lait battu, yaourt…), les vins blancs secs (dans les sauces ou les marinades) et bien sûr, les vinaigres (d’alcool, de vin, de bière, de riz, balsamique, de Xérès, aromatisés…). Ces derniers sont à utiliser avec parcimonie, bien évidemment.
L’amertume a également cette capacité à rafraîchir notre palais. Il faudra alors se diriger vers le pissenlit, la chicorée, l’endive, le radicchio, l’asperge crue, certaines graines germées (asperge, cumin, fenugrec, azuki…). Nous disposons aussi des fruits parmi lesquels le pamplemousse, l’orange amère, également la racine de réglisse, les bitters utilisés en mixologie, les thés verts, le matcha, la bière blonde ou blanche (pour apporter une légère amertume à une sauce, une mousse, une glace…). Enfin, certaines huiles d’olive peuvent, de même, nous emmener sur des notes légèrement vertes et âpres. Au rayon des amers, on aurait pu citer le café et le cacao bien que leurs notes toastées soient moins rafraîchissantes.
Aux côtés de ces deux saveurs primaires, le piquant est aussi un élément frais. Mais pas le mordant du piment, plutôt de la vigueur du raifort, du wasabi, du gingembre, des graines de moutarde, de la roquette, du cresson, des radis boules piquants, du radis noir et de certaines graines germées. Méfiez-vous par contre des oignons même jeunes, de l’ail, de la ciboulette, du poireau… personnellement, je trouve qu’ils ont tendance à rapidement saturer le palais et amener une certaine lourdeur gustative.
Evidemment, ajouter du cru nous aidera aussi dans notre quête en apportant des notes vives et du croquant. Pensez chou-fleur ou brocoli râpé, concombre, radis boules doux, daïkon, racines, pensez légumes croquants en mirepoix, en fine julienne. Pensez aussi aux sauces crues mixées, aux sauces d’herbes hachées liées d’un peu d’huile d’olive… L’absence de cuisson préserve la vigueur des huiles essentielles et c’est bien elles qui nous apporteront ces notes explosives. Celles, également, des herbes fraîches comme l’estragon, la menthe, la coriandre, le basilic, le basilic thaï, le persil plat, le fenouil marin, le céleri, la livèche, le shiso, l’aneth, le thym-citron, la mélisse, la verveine, la citronnelle, les feuilles de kaffir. La fraîcheur se cache aussi dans les zestes (citron, lime, orange, pamplemousse, yuzu, combava, citron bergamote, main de buddha, cédrat…) et enfin au cœur de certaines baies (sichuan, sancho, timut, omija, baies roses) ou graines (fenouil, anis, coriandre…).
Voilà pour cette liste, pour sûr, non exhaustive. Maintenant, y a plus qu’à taper dedans et voir si tout cela nous a rafraîchi les pensées…
Pour l’heure, j’ai une envie de pâtes froides et fraîches, mais pas genre spirelli-mayo-ketchup-maïs-dés de saucisse de Francfort-ananas croisées lors d’un barbecue récent. Non ! Respectons un peu le produit !
Voici plutôt, une proposition pleine d’intentions, à réaliser et à manger sitôt prête. Car la pâte, même froide, n’attend pas, au risque de la voir s’imbiber inexorablement jusqu’à perdre toute tenue et toute dignité.
Pour 4 personnes :
2 petits homards (environ 350 g chacun)
1 petite échalote
1 gousse d’ail
10 cl de vin blanc sec
5 grains de poivre noir
1 clou de girofle
1 feuille de laurier
1 branche de thym
1 carotte
Quelques feuilles de céleri
2 cs de concentré de tomate
4 cs de crème aigre
Zeste d’1 petit citron jaune
8 baies de poivre Sichuan
1 pot de caviar de hareng
250 g de tomates fraîches (avec la peau)
3 cs d’huile d’olive
3 cc de vinaigre de cidre
320 g de spaghetti (plutôt gros que trop fins)
1 poignée de mini tomates
Sel, poivre
Homards et fond de homard
Endormir les homards au congélateur durant 30 minutes.
Eplucher et écraser l’ail. Couper l’échalote en 4.
Dans une grande casserole, chauffer un peu d’huile neutre, et faire suer l’ail et l’échalote sans les colorer. Ajouter les carottes coupées en rondelles, le céleri et le laurier. Mélanger. Mouiller avec le vin blanc et laisser évaporer quelques instants. Enfin, ajouter les grains de poivre, le clou de girofle et le concentré de tomate. Mélanger. Verser 7 litres d’eau (de quoi couvrir 1 homard). Porter à ébullition.
Plonger le premier homard en une fois. Utiliser un ustensile pour maintenir le homard sous le niveau d’eau. Le cuire 10 minutes (à la reprise de l’ébullition), le sortir de l’eau et le laisser refroidir. Faire de même avec le deuxième homard.
Une fois légèrement refroidis, décortiquer les homards. Réserver au froid la chair des queues et des pinces d’un côté et la chair des pattes, de la tête et éventuellement le corail de l’autre.
Mettre les carapaces dans l’eau de cuisson et faire bouillir durant 15 minutes.
Passer au chinois en pressant bien les carapaces (avec un presse-purée par exemple).
A petits bouillons, réduire le fond de homard filtré à environ 2,5 litres.
Prélever 500 ml de fond et le faire réduire dans un petit poêlon de manière à obtenir 100 ml de fond concentré. Transvaser le fond concentré dans un récipient, le laisser refroidir puis le glacer au réfrigérateur.
Crème aigre citron/Sichuan
Au mortier, écraser environ 8 baies de poivre de Sichuan.
Mélanger la crème aigre avec le poivre de Sichuan, le zeste d’un petit citron jaune, 1 pincée de sel et un peu de poivre noir. Réserver au froid.
Condiment cru de tomate
Laver les tomates. Les découper grossièrement et enlever le cœur.
Dans un blender, mettre les tomates, 50 ml de fond de homard concentré froid, le vinaigre de cidre, du sel et du poivre. Bien mixer. Lorsque la consistance est bien fine, émulsionner avec l’huile d’olive. Enfin, vérifier l’assaisonnement et réserver au froid.
Spaghetti froids
Rectifier l’assaisonnement du fond de homard (non-concentré).
En vous référant aux indications de cuisson, cuire les spaghetti al dente dans le fond de cuisson des homards. Bien remuer les pâtes durant la cuisson.
Dans un grand saladier, mettre de l’eau et des glaçons. Déposer sur la glace un cul de poule (en verre ou en métal).
Une fois cuites, sortir les pâtes et les mettre à refroidir dans le cul de poule. Ajouter un filet d’huile d’olive, les 50 ml restants de fond concentré froid, quelques cuillères à soupe de condiment cru de tomate ainsi que la chair des pattes et le corail finement hachés. Mélanger régulièrement pour accélérer le refroidissement. Rectifier l’assaisonnement.
Dressage
Une fois les pâtes bien froides, donner un dernier coup de blender au condiment de tomate pour le rendre mousseux. Dresser enfin, sans attendre, les différents éléments accompagnés, dans ce cas, de feuilles d’estragon et de germes d’asperges.
Variantes
Vous pouvez opter pour d’autres crustacés crus ou cuits (gamberoni, langoustes, crevettes roses, grises…) tant qu’elles sont non décortiquées (de façon à pouvoir récupérer les carapaces pour réaliser un fond). Sinon, il est, en dernier recours, possible de trouver des fonds de qualité prêts à l’emploi.
Libre également à vous d’utiliser d’autres herbes, d’autres poivres, d’autres agrumes.