PENSER AU HAMBURGER
Il y a quelque chose de fondamentalement gourmand dans l’idée d’empiler les aliments. Attention, je ne vous parle pas de cette tranche grisâtre, cernée de deux éponges aplaties, que vous découvrez dans son emballage en carton, une larme à l’œil. Votre regard cherche encore la promesse d’une photo où la bête faisait ses dix centimètres de haut bien tapés, offrant à l’attente de votre palais chaque strate intacte et précise. Et finalement, c’est un peu comme si ma tante Edmonde avec fait Bruxelles-Liège assise dessus et ne s’en était rendu compte qu’au trajet du retour.
C’est comme cela, nous avons intégré le mensonge publicitaire, accepté que, pour vendre, il faut travestir et que pour acheter il faut se soumettre à une déconvenue prévisible et légitimée.
Ah, victimes consentantes que nous sommes !
Mais revenons au principe de base qui chatouille ma pensée : l’amoncellement gourmand. Je crois que le verticalité de l’objet joue ici un rôle majeur. C’est l’idée d’une plongée gustative, les dents qui traversent chaque couche, chaque texture, la langue qui rencontre le jus de la viande, la rondeur de la sauce, l’acidité du condiment. Tout est là, en une bouchée, le voyage est complet, presque parfait. Encore et encore. Mais cette verticalité impose la constance, voir la monotonie. Après, dans les faits, c’est une autre paire de manches, qu’il faut d’ailleurs retrousser, car la bouche semble tout à coup bien petite, ou alors, c’est la sauce part à droite, la viande à gauche et le cornichon qui vient d’un seul coup. Tant pis ! C’est le jeu. Le hamburger est donc surtout une promesse que l’on espère rencontrer. Mais c’est aussi une figure de style, un principe à la fois codifié et ouvert. Comme le western l’est au cinéma, chacun y va de son interprétation.
Voici la mienne, à manger avec des couverts. Ben on n’est pas au saloon, non plus !