PENSER AUX MARQUEURS
Ce n’est pas nouveau, la cuisine est partout. Et à force d’entendre parler les chefs, commenter, critiquer, eh bien un jour, on se surprend à jargonner comme eux, alors que l’on n’a, en fin de compte, jamais foutu les pieds dans une cuisine.
Avant, on aurait aimé ou pas, on aurait trouvé cela fade ou, au contraire, bien assaisonné et, ne sachant pas quoi dire, on aurait trouvé cela particulier voire spécial.
Aujourd’hui, c’est la forêt qui cache l’arbre, nous voilà armés d’une foule d’expressions pour exprimer que le plat manque de fond, de profondeur, que ce n’est pas assez gourmand même s’il y a du travail dans l’assiette, qu’il y a de la mâche, que c’est bien d’avoir cuit sur coffre, d’avoir mondé les tomates, que cela manque de croquant, qu’il y a une belle acidité et un beau jeu de texture, que la viande a été contisée, que les appoints de cuisson sont parfaits, que son jus est bon, qu’il a une belle densité et du brillant, que sa sauce est bien montée, que sa purée est cordée, que visuellement, c’est un peu brouillon, qu’il a bien utilisé les parures, que le plat manque un peu de peps, voire d’un twist pour réveiller tout cela…
C’est que la passion passe aussi par le langage et personnellement, je vous avoue prendre un réel plaisir à tenter d’appréhender les techniques, leurs noms et les expressions qui vont avec, au risque, évidemment, de paraître prétentieusement initié. Tant pis !
Parler des marqueurs ou des traceurs d’un plat ne fait pas exception. Cette expression, sortie, dans mon souvenir, de la bouche de Thierry Marx ou de Jean-François Piège, répond à une question simple : « Qu’est-ce qui détermine l’identité d’un plat et même d’une cuisine ? ».
Au-delà de la somme exhaustive des ingrédients qui la composent, il en est qui balisent fondamentalement la recette. Une fois déterminés, il est possible de réinterpréter, de rafraîchir, de transformer.
Quels sont les marqueurs de la cuisine thaïe par exemple ? Selon moi, avec l’ail, le gingembre, la citronnelle, le citron vert, la coriandre et le nam pla (sauce poisson), l’esprit est là. Et que ce soit un risotto, un waterzooi ou un tartare, vous pouvez lui donner les accents désirés.
Dans le cas d’une recette bien particulière l’exercice est identique.
Cet été, par exemple, je fus cueilli d’une grosse envie de blanquette de veau. La météo étant, ce jour-là, peu propice au mijotage, il me fallait trouver une tonalité de circonstance, fraîche et légère. Mais quels sont donc les marqueurs de la blanquette ? Assez simplement, j’ai choisi le veau, la carotte, la pomme de terre, l’oignon, le laurier, un élément lacté et du fond pour que ce soit plus gourmand.
Voici le résultat de mes réflexions gourmandes.
Wouawwwwwwwwwwwww
avec ces fraîches photos le mot « revisiter » sublime la blanquette…